Communiqué suite à l’incendie du quartier d’Altos de la Virgen de la commune 13 de Medellin.
Le 3 Juin 2010, aux environs de 2 heures du matin, un incendie s’est déclaré dans la commune 13 de Medellin en Colombie. Cet incendie qui se déclara dans le quartier d’ « Altos de la Virgen » de la commune 13 réduisit la quasi intégralité des habitations du quartier en cendres. Alors qu’il est avéré aujourd’hui que cet incendie est de nature criminelle, voici un résumé du communiqué de presse réalisé le 4 juin par l’agence « IPC » auquel s’ajoutent des informations complémentaires, en partie tirée de communiqués publiés parla « Corporacion Juridica Libertad ».
Déjà le lendemain de l’incendie la tendance à considérer ce dernier comme criminel était la version qui faisait le plus écho auprès des habitants, des travailleurs sociaux, des syndicalistes et des organisations socio-éducatives du quartier. En effet, au vue du contexte, rien d’étonnant qu’un acte criminel ai entrainé l’incendie de plus de 200 habitations, et la perte pour plus de 700 personnes de leur logement.
Cette conclusion, alors hâtive, était le résultat des graves faits de violence rencontrés jusqu’alors, à quoi s’ajoutait l’expérience marquante des heures qui suivirent l’incendie. D’après une des leaders du comité d’urgence du quartier, membre du système municipal pour l’attention et la prévention des désastres (SIMPAD=Sistema Municipal para la Atencion y Prevencion de Desastres), qui chercha à se rendre sur les lieux de l’incendie aux environ de 3 heures du matin, les bandes criminelles qui opèrent dans et autour du quartier d’ « Altos de la Virgen » ont cherché à faire obstacle aux mesures d’aides d’urgences. Elle-même due faire appel à la police afin d’accéder aux sinistrés.
Le quartier d’ « Altos de la Virgen » est tristement connu, notamment suite aux statistiques de la médecine légale, comme le quartier où se concentrent les conflits qui font rage dans la commune 13 de Medellin. Alors que certaines parties de la commune 13 sont « relativement calme », c’est dans et autour de ce quartier qu’ont lieu les confrontations les plus cruelles. Les affrontements réguliers entre bandes (principalement « La Agonia », « La Divisa » et « Los del Alto »), groupements paramilitaires ( le « Bloque Metro », le « Bloque de las Autodefensas Campesinas del Magdalena Medio » et le « Bloque Cacique Nutibara ») et forces publiques, avec leurs lots de coups de feu, de balles perdues, de grenades lancées et le contrôle des déplacements des habitants du quartier font que la vie dans ce quartier est très compliquée. Près de 60% des homicides, sur une moyenne annuelle de 110, ont lieu dans les quartiers alentours à la zone incendiée. Avec une moyenne mensuelle atteignant au maximum 18 homicides, le mois de Mai 2010 comptait déjà 30 décès violents à la date du 20 Mai. Alors que ces quartiers sont marqués par la misère, l’inemploi, et le manque de possibilités de s’en sortir, les jeunes sont les premières victimes des groupes armées. Ces derniers du fait de leur malléabilité sont régulièrement recrutés pas les groupes en présence.
Si l’on se réfère au nombre de déplacements forcés intra-urbains nous en arrivons à la même conclusion : ce quartier est la scène de conflits armés très intenses. Avec 552 cas de déplacements forcés, la commune 13 est la seconde commune la plus expulsante de Medellin. Certains cas d’expulsions apparaissent par ailleurs très significatifs des intentions de ces groupes, c’est notamment le cas de l’expulsion (suite à des menaces de mort) durant le mois d’Avril de 4 familles de leader sociaux du quartier, lesquelles s’accompagnèrent de la dépossession de leurs biens.
Alors qu’au moment des faits les causes de l’incendie paraissaient encore « confuses », nous pouvons aujourd’hui affirmer, suite aux investigations réalisées, que ce dernier est d’origine criminel et pourrait être mis en lien avec des acteurs autrement plus influents que les bandes qui s’affrontent dans et autour de ce quartier. Suite à l’incendie la question était de savoir si les habitants pourraient reconstruire leur logement dans le quartier sinistré, et ce malgré les menaces pesant sur eux du fait des conflits réguliers. Cette possibilité n’est déjà plus à l’ordre du jour. En effet, certains habitants, pour certains propriétaires, dont les habitations n’ont en rien été touchées par l’incendie se voient refuser l’accès à leur domicile de la part des institutions et forces publiques. Nous pouvons alors nous interroger sur les raisons de cette interdiction.
Avec plus de 30 organisations délinquantes présentent dans la commune 13 de Medellin, et malgré les programmes sociaux et les actions croissantes des forces publiques, il apparait que cette nouvelle tragédie qui secoua toute la ville de Medellin est un nouvel acte criminel, fruit de l’interaction d’organisations mafieuses, d’organisations paramilitaires (« démobilisés » de las Fuerzas de Autodefensas) et de forces publiques. Cet acte démontre que ces acteurs, auteurs ou boucs émissaires, ont obtenu le pouvoir suffisant pour incendier un quartier entier.
La mise en relation de ces faits avec les récents projets d’aménagements urbains mis en œuvre par la municipalité de Medellin en partenariats avec des intérêts privés (tel que la construction d’un nouveau téléphérique, les débuts de travaux d’un nouveau tunnel d’accès à Medellin en Amont du quartier d’ « Altos de la Virgen » et les construction en amont et aval de ce quartier de complexes d’habitations destinés aux classes moyennes aisées et bourgeoises, et donc pas destinés aux actuels habitants du quartier) laisse une impression de manœuvre stratégique autour de cet incendie qui sont le fruit d’acteurs non identifiés, ou conseillé de ne pas identifier.
Contexte plus général:
L’histoire récente des 5-6 dernières années de la commune 13 de Medellin nous laisse à voir une instrumentalisation de la délinquance présente dans cette commune, et plus largement en Colombie. Sous couvert d’une volonté de pacifier la zone, les forces publiques en collaborations avec des organisations paramilitaires, soit disant démobilisées, ont mené nombre d’actions à l’encontre des présupposées présentes milices d’extrêmes gauches. Les diverses actions militaires menées se sont soldées, au-delà de celles réellement menées à l’encontre de la guérilla et des bandes mafieuses, par nombre d’arrestations, incarcérations, blessures et meurtres d’habitants du quartier, leader sociaux, syndicalistes et étudiants.
Dans leurs actions communes et afin de justifier leurs interventions musclées les forces publiques et groupements paramilitaires ont de manière conjointe pour habitude de travestir les personnes contrôlées ou exécutées en tant que membres de la guérilla. L’imposition d’une arme à feu sur le cadavre d’un innocent suffisant à justifier de son exécution, le scandale des « falsos positivos » (faux positifs) qui fait rage en Colombie est loin d’être un procédé exclusivement pratiqué dans les campagnes éloignées.
Le cas, plus ou moins médiatisé, des « falsos positivos » est une pratique servant à justifier l’assassinat de personnes, dans le jargon militaire colombien, un «faux-positif», c’est la mise hors combat d’un membre de la guérilla par arrestation ou élimination physique. Mais en réalité, c’est de la persécution politique. Les victimes de l’armée, avant d’être montrées au grand public, sont au préalable revêtues de tenues de combat, pour être ensuite présentées comme des guérilleros éliminés lors d’affrontements armés. Ce ne sont que rarement des guérilleros, ce sont généralement des personnes que le gouvernement suspecte d’avoir fait partie ou de faire partie de mouvements d’opposition au régime actuel (comme ce peut être le cas par exemple de nombreux leaders des mouvements étudiants); ou de marginaux, considérés inutiles à la vie économique du pays, comme les voleurs, les clochards, les prostituées, les enfants abandonnés, etc.
Alors que récemment encore une fosse commune de plus de 1000 cadavres a été découverte en pleine campagne à quelques 200 Km de Bogota, nous ne pouvons que nous révolter face à de telles pratiques et ce d’autant plus qu’elles sont organisées de manière conjointe entre forces publiques et groupement paramilitaire, connues et exécutées aux yeux de tous sous la bienveillante protection des plus hautes sphères politiques, économiques et médiatiques colombiennes.
Ce résumé est tiré d’un communiqué de presse réalisé par l’agence IPC (Medellin, Colombie, www.ipc.org.co/agenciadeprensa), de communiqué de la « Corporacion Juridica Libertad » (www.cjlibertad.org), et d’informations transmises par des sources locales qui ne souhaitent être mentionnées.